Fiches pratiques du parent

Le langage

À 3 ans on note une grande disparité entre les enfants, certains parlent bien, d’autres sont à peine compréhensibles. Des sons peuvent encore présenter des difficultés de prononciation jusqu’à 5 ans, comme s et z. Les transformations appliquées à certains mots sont souvent dues à des difficultés de prononciation, surtout chez les plus jeunes. Train est plus difficile à dire que crain. On ne sera donc pas surpris d’entendre les mots commençant par tr, déformés en cr.

Les mots et les phrases

Le lexique passe de 300 mots à 2 ans, à 1 000 mots vers 3 ans puis 3 000 vers 6 ans (pour plus de 10 000 compris à 6 ans ; le nombre de mots connus est toujours supérieur au nombre de mots produits). On considère qu’entre 3 et 6 ans, l’enfant acquiert entre 800 et 1 000 mots par an. Les mots sont acquis à partir de ceux qui sont produits et entendus dans l’environnement. Ce n’est pas pour autant qu’ils ont la même signification pour tous. Un même mot sera parfois employé pour désigner plusieurs éléments, du moins au début. Par exemple, un petit va utiliser cola (chocolat) pour désigner également des desserts qu’ils contiennent ou non du chocolat, certains fruits et même le sucre ! Inversement, un mot peut être utilisé de façon restreinte, ce qui ne correspond pas au sens courant. Le mot bébé pourra ainsi désigner les poupées et les peluches mais jamais les très jeunes enfants. Plus le vocabulaire augmente, plus ce phénomène se fait rare. Mais attention à l’illusion qui consiste à penser qu’un même mot recouvre exactement le même sens pour les adultes et les jeunes enfants. Par exemple, le mot même qui pour les adultes a deux significations, n’en a qu’une jusqu’à 5-6 ans. Pour les adultes, même signifie soit plusieurs objets identiques (« Paul, Jacques et Louis ont la même voiture ») soit un seul objet qui dure dans le temps (« Paul a toujours la même voiture », « j’ai mis le même pull qu’hier »). Pour les petits, seul le premier sens est compris. Et lorsqu’ils comprennent le deuxième sens, ils se sentent obligés de rajouter d’autres mots « : le même encore pareil » pour bien faire la différence avec le premier sens.
Les mots qui impliquent de tenir compte du point de vue de l’autre peuvent aussi poser problème. Si un petit garçon reconnaît qu’il a un frère, il niera que son frère a aussi un frère !
Les prépositions de lieu (dans, à, sur, près de…) sont correctement utilisées vers 3 ans et demi, mais il faut attendre 5 ans pour que les adverbes de temps le soient (hier, demain, tout de suite, d’abord…). Les prépositions de temps (avant, après, pendant) le sont vers 6 ans, tout comme l’emploi correct des articles (le, un ; les, des).

L’apprentissage de la langue se poursuit avec la construction de mots à partir du repérage de règles (dé = privatif, donne débîmer par opposition à abîmer). On retrouve ce principe dans la conjugaison des verbes : il a vendu → il a prendu ; il a couru → il a mouru… Ces exemples montrent qu’apprendre à parler ne s’appuie pas que sur l’imitation. Les enfants généralisent des structures régulières et même si cela aboutit à des erreurs, elles témoignent de leur activité d’analyse du langage parlé.
Vers 5 ans les enfants commencent à jouer avec les caractéristiques phonétiques des mots, par exemple en repérant des homonymies (poil, poêle) mais qui renvoient à des sens différents. Ces jeux sont différents de ceux de l’enfant au début du langage quand il jouait avec les sons uniquement. Le langage traduit le début de compréhension de certaines relations logiques : l’identité (même, pareil), la différence (plus, moins…). Les temps des verbes sont maîtrisés progressivement. Les premiers à apparaître sont l’infinitif, le présent et le passé composé (entre 2,5 ans et 4 ans). Vers 4 ans, le futur est exprimé sous forme du verbe aller, conjugué au présent suivi de l’infinitif car c’est la forme que l’enfant entend principalement. On dit plus souvent « je vais manger » que « je mangerai ». Entre 5 et 6 ans le conditionnel et l’imparfait sont utilisés de manière adéquate.

On peut noter la création de métaphores, correctes ou non : « je sautille la bouteille » (pour « je secoue »). Des « erreurs » sont liées à l’absence de catégorisation conceptuelle : « le camion doit être soigné » -pour « réparé ». Ceci est dû à l’absence de distinction entre verbes réservés à l’humain et ceux qui concernent les objets. Les mots renvoient à des images particulières et non à des concepts. Ainsi le mot chien, au départ, est employé correctement par l’enfant mais se réfère aux quelques chiens qu’il connaît : celui des voisins, celui de dessin animé ou du livre, celui de la grand-mère… Au fur et à mesure de l’élargissement de son expérience, l’enfant intégrera de nouveaux « exemplaires » à ce mot qui finira par devenir un concept, c’est-à-dire un mot désignant une catégorie d’animaux qui ont des points communs justifiant leur appellation commune malgré la diversité des apparences.

Entre 3 et 4 ans, la maîtrise du langage est suffisante pour permettre à l’enfant de soutenir et participer à une conversation. Vers 4-5 ans le langage est similaire à celui de l’adulte d’un point de vue syntaxique.
La structure des phrases se développe : marques spécifiques de la forme interrogative (qui, quand, pourquoi), le conditionnel, l’utilisation des relatives…
Les demandes sont formulées de plus en plus indirectement. On passe du « donne » ou « aide-moi » à « je n’arrive pas à faire mon puzzle ». Après 4 ans, les demandes sont encore plus indirectes puisqu’elles peuvent faire référence à des situations hors du contexte présent : demande d’une sortie – au cinéma, dans un parc d’attractions… –, en souvenir d’un événement passé similaire. La capacité de rapporter des événements à l’aide d’un court enchaînement de phrases est présente, tout comme celle de raconter une histoire à partir d’images.
On peut considérer qu’à 6 ans, les enfants ont un langage qui présente les caractéristiques de la langue adulte du moins dans sa forme, puisque le vocabulaire va continuer de s’accroître d’environ 1 000 à 1 500 mots par an.

L’acquisition du langage passe obligatoirement par les interactions. Ce n’est pas en écoutant seulement les adultes parler que les enfants acquièrent les règles de sa langue et le vocabulaire. Il est nécessaire de beaucoup leur parler en enrichissant et corrigeant leurs productions. Quand l’enfant dit qu’il « aime très beaucoup le chocolat », on peut lui répondre : « oui, je sais que tu adores le chocolat, tu aimes beaucoup les bonbons aussi ». C’est à travers ce genre de reprise que l’enfant non seulement apprend les règles de la syntaxe, enrichit son vocabulaire, mais aussi assimile les caractéristiques de la communication (un échange se fait le plus souvent sous forme d’un développement des propositions et pas par une réponse laconique), les différents contenus de communication (poser une question, raconter une histoire et expliquer les règles d’un jeu ne se fait pas de la même façon) et plus généralement les représentations et valeurs propres à sa culture. C’est le rôle des comptines, contes et histoires lues qui font que les enfants sont imprégnés par les codes de la culture dans laquelle il est éduqué.

La communication

Parler ne se limite pas à manier correctement la langue. L’enfant doit aussi apprendre à gérer des situations de communication. Il devra par exemple utiliser des formes de langage différentes selon qu’il s’adresse à un adulte familier, à un adulte inconnu ou à un partenaire de jeux d’âge similaire. Il sait ajuster le niveau de langage à celui de son interlocuteur.
L’application des règles de communication, comme dire « merci » ou « s’il te plaît » se fait plus systématiquement.
Les contenus des communications sont souvent implicites et seule la prise en compte du contexte permet de comprendre. Si à la question « est-ce que tu veux du chocolat ? » la réponse est « je ne peux plus mettre mon maillot de bain », il faut comprendre que la personne qui répond est soucieuse de sa prise de poids et ne veut l’aggraver en mangeant du chocolat. Ce qui est dit est différent de ce qui est signifié. Si on reste au niveau du contenu littéral de la réponse, elle n’a aucun rapport avec celle qui est attendue (oui ou non).
Les expressions idiomatiques sont le plus souvent comprises après 6 ans pour la majorité d’entre elles : elles impliquent la compréhension d’une convention de langage propre à une culture (payer en liquide, donner sa langue au chat…).
Un enfant élevé par des parents qui parlent deux langues différentes aura la chance d’être bilingue sans passer par un apprentissage laborieux. Contrairement à ce qu’on a dit pendant longtemps, le bilinguisme n’est pas un handicap. S’il peut y avoir un mélange des deux langues lorsque l’enfant s’exprime, cela va s’atténuer avec l’âge.

La structure de la langue

C’est vers 5 ans que l’enfant commence à devenir sensible au découpage des mots en unités. La première, la plus facile à repérer est la syllabe. Mais ensuite, les plus petites unités sonores (les phonèmes) vont être identifiées par l’enfant, en commençant le plus souvent par la fin des mots : bateau, radio, escargot, pipeau, se terminent tous par le son o. Le mot chocolat, trois syllabes, est composé de six sons élémentaires (ch-o-c-o-l-a), ou six phonèmes. Ces mêmes sons se retrouvent combinés différemment pour former d’autres mots. En classe de grande section de maternelle, de nombreux exercices sont consacrés à cette analyse des sons, car elle constitue une aide pour l’apprentissage de la lecture. Il est indispensable que les enfants identifient correctement les 36 phonèmes de la langue française pour apprendre à lire et à écrire.
Les comptines sont particulièrement efficaces pour favoriser les compétences phonologiques. Non seulement elles proposent beaucoup de rimes, mais elles jouent souvent sur la sonorité de la langue et à ce titre, familiarisent les enfants avec la « gymnastique » des sons.

Il est important de familiariser les enfants avec les caractéristiques des sons de sa langue. Dans la vie de tous les jours on peut faire des petits jeux qui attirent l’attention de l’enfant sur les rimes, les syllabes, sachant que le repérage des voyelles est plus facile que celui des consonnes. Par exemple le mot « cadeau » (qui se termine par le son « o ») sera plus rapidement associé à d’autres mots se terminant de la même façon (chapeau, dodo, pot) que le mot « valise », qui oralement se termine par le son « z » puisque le « e » ne se prononce pas. Toutefois, il faut que l’enfant ait un stock de mots déjà suffisant pour être capable de ce type d’activités. Outre la difficulté de la tâche, c’est aussi pour cette raison qu’on ne peut pratiquer l’analyse des sons qu’à partir de 5 ans. Pour certains enfants, cette tâche reste difficile même entre 6 et 7 ans. Il est possible d’aider l’enfant à l’aide de jeux de sons. Des difficultés persistantes doivent conduire à faire un bilan orthophonique.