Fiches pratiques du parent

Graphisme et dessin

Les premiers gribouillages de l’enfant sont sous-tendus par le plaisir moteur, le plaisir du geste. Mais l’enfant apprécie que ce geste laisse une trace visible. Il va vite faire la relation entre les différents gestes et leurs conséquences. Au début, les premiers tracés sont continus, à cause de l’incapacité d’interrompre le trait sauf pour abandonner l’activité. Les premiers tracés sont des balayages horizontaux qui mobilisent l’articulation de l’épaule : ils sont présents autour de 18 mois. Ces mouvements se transforment grâce à l’intervention du coude et seront encore plus précis et mieux contrôlés quand le poignet entrera en action. Ensuite, l’enfant pourra lever son crayon et donc dessiner les premières formes isolées. Mais à ce moment-là, c’est plutôt l’œil qui suit la main. Rapidement le contrôle des mouvements de la main par le regard va permettre des tracés plus précis. Ce bref rappel permet de comprendre que dès 3 ans le jeune enfant est déjà bien équipé pour dessiner. C’est généralement à ce moment-là que se fait le passage du gribouillage au dessin. Même si les tracés sont encore très peu ressemblants avec la réalité, l’enfant leur donne une signification. Il marque la différence entre ses tracés (représentation) et les objets qu’ils désignent (signification). Jusqu’à 5 ans, ce sont surtout les couleurs qui lui plaisent. Si on considère que l’art enfantin est à son apogée à cet âge, c’est parce qu’il donne à l’association des couleurs une harmonie particulièrement réussie.

Le gribouillage est une étape importante dans le développement du graphisme. Souvent dévalorisé – à tort – par les adultes. L’enfant éprouve beaucoup de plaisir à gribouiller et il est judicieux de lui offrir de grandes surfaces pour s’exprimer. Une grande feuille de papier ordinaire, voire d’emballage, fixée au mur fera l’affaire. Des progrès (visibles déjà avant 3 ans) grâce à un meilleur guidage visuel du mouvement et à un contrôle du geste plus précis, permettent de réaliser les premières figures fermées. Les boucles apparaîtront peu après. Même si la majorité des dessins doit s’effectuer dans l’espace réduit d’une feuille ou d’un cahier, il ne faut pas priver les enfants de cette forme d’expression plus fruste mais très ludique.

Dès que l’enfant sait dessiner des formes circulaires, il est enclin à y voir une représentation du corps humain. Il va commencer par remplir cette forme de traits plus ou moins orientés, exprimant la difficulté qu’il a à structurer les différentes parties du corps en un tout. Peu à peu, apparaissent les premiers bonhommes têtards, cercle prolongé de filaments évoquant les membres. Buste et ventre sont absents. Ils apparaîtront entre 4 et 5 ans. Cela ne signifie pas que l’enfant ignore qu’il a un buste et un ventre. Il n’est tout simplement pas encore capable de représenter graphiquement tous les éléments constituant un corps humain. Le dessin pour des raisons techniques n’est pas le reflet du schéma corporel. Le dessin présente les parties du corps valorisées par l’enfant aux différents âges. L’amélioration du contrôle graphomoteur accompagne l’enrichissement et la précision des dessins.
Les vêtements seront représentés entre 5 et 6 ans et souvent de façon très succincte. La tête est souvent trop grosse par rapport au reste du corps. Probablement pour plusieurs raisons : parce qu’elle est une partie essentielle du corps humain avec les principaux organes de communication ; parce qu’elle doit contenir des détails tout aussi essentiels (yeux, nez, bouche), l’enfant prévoit donc la place pour les dessiner alors que le tronc est généralement vide ; et parce qu’elle est dessinée en premier, donc quand tout l’espace est disponible. La représentation du corps humain et la tendance à « humaniser » les autres motifs sont très fréquentes pour ne pas dire systématiques. Il n’est pas gênant qu’un même motif représente à la fois une maison et un personnage, une fleur et un bonhomme. Le soleil, les maisons, les fleurs… ont souvent deux yeux, un nez et une bouche. Enfin, dès que les détails permettent de différencier les personnages féminins et masculins, on observe que les enfants préfèrent dessiner des enfants de leur propre sexe.
Peu à peu le dessin va être plus structuré. Les motifs ne sont plus disposés n’importe où dans la feuille, donnant l’impression de flotter. L’enfant se sert du bas de la feuille pour y appuyer ses personnages et le décor. Une ligne de ciel est dessinée sous forme de trait ou de nuages avec un soleil dans un angle. Mais on voit encore souvent une juxtaposition de motifs. Il n’y a pas encore vraiment de scènes. Les couleurs imaginaires sont remplacées par des couleurs réalistes. Il faudra attendre 7 ou 8 ans pour observer des profils humains et les procédés permettant de représenter la profondeur (lois de la perspective).

Le dessin est une activité capitale pour les petits. Quelles que soient les cultures, les enfants dessinent, avec un feutre sur du papier, avec une craie sur un tableau ou une baguette dans le sable mouillé. Ils vivent intensément le moment, même bref, pendant lequel ils dessinent. Le dessin permet d’exprimer ce qui est ressenti de façon parfois plus immédiate et plus efficace que par le langage car si les mots ne sont pas toujours disponibles, les gestes eux, le sont plus immédiatement. Même si les motifs sont souvent les mêmes à un âge donné (personnages, maison, soleil, voiture, oiseaux…) chaque enfant imprime sa façon de voir le monde et son tempérament à travers la force du trait, l’espace occupé par le dessin et les couleurs employées. Si malgré tout, les dessins se ressemblent c’est parce qu’ils sont imprégnés des influences culturelles communes.

L’intérêt pour les détails d’une part, l’amélioration de la motricité fine d’autre part, conduisent à produire des dessins plus reconnaissables, même si des difficultés persistent, notamment lorsqu’il s’agit de représenter les relations entre deux plans de l’espace. Le rabattement est un procédé souvent utilisé comme on peut le voir dans ces dessins de ronde, par définition en trois dimensions, mais dont la représentation est source de problèmes, résolus grâce à cette technique. Parfois l’enfant refusera même de dessiner car étant conscient de son incapacité technique, il préfère renoncer pour un temps.
La transparence est un procédé également fréquent. Il permet à l’enfant de mettre dans son dessin ce qu’il sait des objets et ce qui lui paraît indispensable à représenter, même si on ne voit pas ces détails normalement. Ainsi, la maison est représentée de l’extérieur mais avec les meubles et les personnes qui l’occupent, l’arbre dévoile ses racines, la chienne qui attend des petits se présente comme une échographie. L’enfant sait bien qu’on ne voit pas à travers ce qui est opaque, mais il tient à présenter dans son dessin les éléments essentiels qui composent le motif choisi et qui expriment ce qui focalise son intérêt.

La tenue du crayon va jouer un rôle important dans l’efficacité du graphisme. Il faut donc être vigilant sur la prise en main du crayon car les « mauvaises » habitudes sont difficiles à corriger et peuvent gêner l’apprentissage ultérieur de l’écriture. La prise avec trois doigts est la plus adaptée et peut se mettre en place très tôt. Les petits objets dès la première année de la vie sont saisis ainsi ; il y a donc une familiarité avec ce type de prise qu’il faut transposer au crayon. Les enfants d’origine asiatique, habitués très jeunes à manger avec des baguettes utilisent majoritairement cette prise dès 4 ans pour écrire.