Fiches pratiques du parent

La régulation émotionnelle

Visage impassible…
L’expérience suivante permet de mettre en évidence la mise en place de règles de communication par le bébé dès les premiers mois de sa vie. Lorsque les mères de bébés de 2 mois présentent un visage totalement impassible à leur enfant, celui-ci, après avoir vainement essayé, par ses regards et mimiques, de la faire réagir, se détourne, évite de la regarder et finit par pleurer. Le bébé est confronté à quelque chose de totalement inhabituel : il reconnaît sa mère, mais, en même temps, elle se présente d’une façon inaccoutumée. Et surtout elle ne réagit pas, comme elle le fait d’habitude, aux signaux qu’il émet ! C’est très angoissant pour le bébé, qui a l’impression de ne plus pouvoir communiquer.

À savoir

  • Les pleurs constituent le premier moyen dont disposent les bébés pour signaler que quelque chose ne va pas. Ils impliquent donc une réponse systématique des adultes.
  • Psychologiquement, l’absence de réponse entraîne un sentiment de profonde détresse et ne permet pas au bébé d’apprendre à contrôler ce qui lui arrive. Physiologiquement, cela entraîne une perturbation du système neurovégétatif (partie du système nerveux qui commande les fonctions automatiques : viscères, coeur, poumons, glandes). Avec les répétitions se mettent en place des dysfonctionnements chroniques qui peuvent avoir des répercussions sur l’état général (troubles de l’appétit, intestinaux, du sommeil, tensions musculaires…).
  • Un bébé qui se calme seul le fait par épuisement. Il n’a pas les moyens adéquats pour s’apaiser, seuls les adultes sont en mesure de le faire pour qu’ensuite il développe ses propres moyens, cette fois, adaptés et efficaces. Ce sont justement ces réponses fournies au bébé au cours des premiers mois de la vie qui lui permettent de contrôler de mieux en mieux ses différents états émotionnels. Il sera ainsi et progressivement moins dépendant des adultes, ce qui lui est indispensable pour construire son autonomie.
  • Hormis les malaises physiques, ce sont les angoisses de séparation qui sont le plus souvent à l’origine des pleurs chez le bébé. Nos cultures imposent aux bébés des séparations précoces, par exemple, dormir seul, alors que l’idéal, pour eux, est de rester en permanence contre le corps de la mère.
  • Toutefois, même dans les cultures où ce portage a encore cours, les expériences de séparation sont inévitables. En répondant adéquatement à la détresse de l’enfant, les parents, ou les autres adultes qui s’en occupent, lui permettent de surmonter cette angoisse ou cette tristesse.
  • Les parents jouent un rôle capital dans la régulation des émotions, car ce sont eux qui donnent du sens à ce que l’enfant ressent. Si la réaction des adultes ne concorde pas avec ce que l’enfant éprouve, il ne pourra pas construire une image cohérente de lui ni avoir confiance en lui. S’il ressent de la tristesse ou de la colère et qu’on ne réagit pas ou, pire, qu’on lui répond en niant ses émotions, le développement affectif sera perturbé.
  • Pour se consoler et se rassurer, la plupart des bébés s’attachent à un objet : le doudou. Il fait partie de l’environnement immédiat du bébé et a été choisi par ses soins, car il le considère un peu comme une partie de lui-même. Le doudou constitue un repère, un point fixe auquel il peut se raccrocher, d’où la nécessité de ne pas le changer ni le modifier. C’est l’odeur qui constitue le principal facteur de réassurance. En le gardant près de lui lorsqu’il se retrouve seul ou dans un milieu où aucun des parents ne pourra lui répondre (la crèche, l’école), l’enfant retrouve quelque chose qui lui est familier et dont l’odeur évoque son univers habituel.
  • Le nom savant du doudou est « objet transitionnel ». Le psychanalyste anglais qui a inventé ce nom, Donald Winnicott, ne l’a pas réduit à un objet manipulé et transporté par le bébé. Ce peut être des sons (mots, mélodie) ou des gestes (comme se caresser le visage, sucer ses doigts). Ils ont en commun de marquer le passage, la transition (d’où le nom d’ « objet transitionnel ») entre le monde intérieur de l’enfant et le monde extérieur. Cet espace intermédiaire est aussi celui dans lequel se développeront les activités mentales et symboliques ultérieures (imaginaire, activités artistiques, et plus généralement tout ce qui relève de la créativité).
  • Seul le bébé peut décider d’abandonner un doudou pour un autre (morceau de tissu, peluche, vêtement…). Au fur et à mesure qu’il acquièrt de l’autonomie, l’enfant se désintéresse de cet objet favori.

Conseils pratiques

  • La communication avec le bébé se met en place progressivement et il est parfois difficile d’interpréter les signaux qu’il envoie. Mais le fait même de lui répondre (même si parfois la réponse n’est pas exactement celle qui était attendue) lui permet d’apprendre que ses comportements produisent un effet. Rapidement, il fera le lien entre un type de comportement expressif et la réponse qu’il déclenche.
  • « Ne jamais laisser pleurer » devrait être la règle absolue au moins pendant les six premiers mois de la vie. Si un nourrisson pleure, c’est qu’il a absolument besoin qu’on intervienne. On a pu penser que laisser pleurer les bébés était indispensable pour éviter de les rendre capricieux, voire tyranniques. Les pleurs constituent un signal de détresse. Il faut donc, sinon toujours, en tout cas le plus souvent, y répondre.
  • Répondre au bébé ne signifie pas toujours qu’il faille répondre aussitôt. Tout dépend de la cause des pleurs. Dans certains cas, dès la première année de vie, le temps que l’adulte met à y répondre doit s’allonger. Les réveils nocturnes s’accompagnent souvent de pleurs. Il faut intervenir s’ils durent, mais intervenir trop rapidement peut empêcher l’enfant de se rendormir seul.
  • Pour pouvoir comprendre et contrôler une émotion, surtout si elle est négative, le bébé a besoin des adultes qui s’occupent de lui. En le rassurant, en mettant des mots sur ce qu’il ressent, il va élaborer ses émotions, les comprendre et construire ainsi sa vie subjective et émotionnelle. Nier ses émotions et exiger du jeune enfant qu’il les contrôle n’aboutit qu’à créer une grande fragilité émotionnelle.
  • Le bébé dispose généralement de différents objets parmi lesquels il pourra choisir celui qu’il élira comme doudou. L’attachement à cet objet est tel qu’il doit être effectué avec beaucoup d’attention de la part des adultes. La perte est à éviter et, en aucun cas, sa suppression ne permettra à l’enfant de s’en passer. S’il le réclame encore pour aller à l’école, alors que celle-ci ne l’autorise pas, il faudra le rassurer en lui expliquant qu’il le retrouvera le soir. Il apprendra alors, peu à peu, à s’en passer.