Fiches pratiques du parent

Mémoriser

On est souvent frappé par la difficulté des jeunes enfants à évoquer des souvenirs. Combien de parents à la sortie de l’école maternelle sont déçus lorsqu’à la question « Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui ? » la réponse est « rien ». Au mieux ils évoqueront une chanson ou le fait d’avoir mangé des frites le midi. Alors qu’ils auront accompli toutes sortes d’exploits, comment se fait-il que la réponse soit si pauvre ? Il ne s’agit pas de mauvaise volonté ou d’ennui. Simplement avant 6 ans, ils ont des difficultés pour avoir accès directement à leurs souvenirs, même les plus récents (mémoire épisodique). En revanche, il suffit d’amorcer à l’aide de questions pour que les activités pratiquées reviennent en mémoire. « Est-ce que tu as fait de la gymnastique aujourd’hui ? Quelle histoire a raconté la maîtresse ? ». Rapporter des évènements passés implique aussi de mettre en mots des actions, de construire des phrases respectant la chronologie et les règles de la narration, ce qui n’est guère possible pour un petit. De plus, la structure cérébrale responsable de la mémoire, l’hippocampe, est encore en développement.

Cette difficulté à évoquer des souvenirs récents n’empêche pas celle de souvenirs plus anciens. Les petits font aussi très souvent la confusion entre les sources possibles d’information. Á 3-4 ans, ils assureront avec certitude qu’ils ont vu une scène alors qu’on leur aura seulement racontée. Du point de vue de l’adulte, cela ressemble fort à un mensonge. Or il ne s’agit pas du tout de cela. Mais de la difficulté à associer une information et son origine. Vers 5 ans, ce problème est réglé. Chez les adultes, ce phénomène touche au contraire les souvenirs anciens : on a oublié dans quelle circonstance on a appris telle ou telle chose, on confond une information et un événement vécu…

Pendant les premières années, la mémoire autobiographique ne s’appuie pas sur des procédures efficaces. Il faut attendre environ 7 ans pour que cette mémoire, à la base de notre sentiment d’identité et de continuité, soit vraiment performante. Avant cet âge, elle autorise la consolidation de souvenirs mais de manière plus éparse, moins organisée et donc une moins bonne récupération. La mémoire ne consolide pas tous les souvenirs et ceux qui correspondent aux trois premières années de la vie ne sont généralement pas récupérables.
Autre particularité de la mémoire des 3-4 ans : l’impossibilité de construire un langage interne continu.

Ils ne comprennent pas que la pensée puisse exister intérieurement sans motif extérieur. Une personne qui ne fait rien et regarde dans le vague, pour eux, ne pense à rien. En revanche si elle regarde un menu, ils sont tout à fait capables de dire qu’elle réfléchit aux plats qu’elle va choisir.