Fiches pratiques du parent

Comprendre ce que pense l’autre

La communication s’appuie sur la compréhension des émotions, des intentions, des désirs et des savoirs présents chez autrui lors d’une interaction. Nous passons beaucoup de temps à expliquer les comportements de nos partenaires en les référant à des états internes.

Si les bébés sont capables de ressentir les émotions de leur partenaire adulte dès les premiers mois de la vie, il faut attendre plusieurs années avant qu’ils soient capables de les analyser et de développer des stratégies pour ajuster leur comportement. Ils doivent passer d’une connaissance intuitive, implicite, à une connaissance explicite. Dès 2 ans, les enfants ont compris ce qu’une autre personne souhaite ou ressent.

À 3 ans, ils sont capables d’évoquer ce que les autres pensent et savent. Ils ont compris que des personnes différentes ont un esprit différent et c’est pour cette raison qu’elles ne se comportent pas de façon identique. Mais ils ont encore du mal à traiter toutes les informations pertinentes. Il faut attendre 4 ans pour qu’ils comprennent les fausses croyances. Dans une expérience on a proposé la situation suivante à des enfants de 3 ans : on leur présente une boîte de bonbons (l’emballage est sans équivoque) et on leur demande ce qu’ils pensent trouver à l’intérieur. La réponse est évidente : des bonbons. Or quand on ouvre la boîte, ce ne sont pas des friandises, mais des crayons qui se trouvent à l’intérieur. Si on demande à l’enfant une fois la boîte refermée : « que va croire un autre enfant qui verrait maintenant cette boîte ? », tous répondent qu’il pensera qu’il y a des crayons. Autrement dit, ils attribueront à l’autre enfant les connaissances qu’ils ont sur la situation actuelle, en ne tenant pas compte du changement qui a eu lieu entre-temps. Croyance et réalité sont forcément identiques.

À 4 ans, les enfants ne se trompent plus. Ils ont compris que l’on pouvait avoir de fausses croyances sur le monde extérieur, que des erreurs de jugement peuvent être dues à des informations erronées ou incomplètes.

Mieux comprendre les états mentaux d’autrui est évidemment un atout pour la communication avec autrui. Les enfants ne peuvent le faire qu’à partir d’un certain niveau de développement, mais on peut les y aider. Lorsque les parents explicitent leurs pensées, leurs intentions ou leurs sentiments, ils aident beaucoup leur enfant à comprendre le fonctionnement mental d’autrui. La lecture de livres dans lesquels les motivations des personnages sont discutées constitue aussi un atout pour les enfants.

À partir de 6 ans, les analyses sur le fonctionnement mental de soi-même et d’autrui vont se complexifier. Les enfants deviennent capables de comprendre des fausses croyances de second ordre (« La personne A pense que la personne B pense que… »). Ce type d’analyse permettra de gérer les mensonges de manière plus efficace par exemple. La compréhension de l’expression émotionnelle différente de celle qui est ressentie est également plus tardive (comprendre par exemple qu’un enfant qui contrôle ses émotions ne montrera pas qu’il est jaloux ou vexé).
La compréhension de la pensée d’autrui et des liens avec les comportements rend donc possible le mensonge. Cela ne signifie pas que les enfants sont incapables de mentir avant 5 ans, mais ils le font de manière très maladroite. Souvent le mensonge est énoncé dans un contexte où il est immédiatement dévoilé. L’enfant, seul dans la cuisine, explique que ce n’est pas lui (ou elle) qui a cassé le verre dont on vient d’entendre le bruit de chute sur le sol. Désormais, le mensonge est plus élaboré.
La notion de vol est particulière chez l’enfant de moins de 6 ans. Bien que depuis l’âge de deux ans il sache affirmer haut et fort ce qui est à lui, il n’a pas encore clairement conscience des frontières entre possession personnelle et bien d’autrui. Il a tendance à croire que ce qui est disponible l’est pour tout le monde et donc pour lui. Et cela vaut aussi bien pour les jouets du petit copain que pour les paquets de bonbons au supermarché. Ce n’est que vers 6 ans qu’il comprend réellement ce qu’est le vol. Toutefois, certains enfants ont une tendance un peu trop marquée à s’emparer d’objets ne leur appartenant pas. Il faut alors entendre le message qui est sous-jacent : frustration, jalousie, difficulté passagère à l’école, conflits… À travers l’appropriation excessive d’objets, l’enfant dit ce qui ne va pas.

Il est donc inutile de traiter de voleur l’enfant à cet âge. En revanche, il faut lui expliquer que tout ce dont il a envie n’est pas toujours accessible. Certes, il y a beaucoup de tentations, mais si lui n’aime pas qu’on lui prenne ses jouets, il doit pouvoir comprendre que c’est la même chose pour tout le monde. Les réclamations incessantes dans les magasins seront suivies d’explications et pas d’un simple refus. Une pédagogie des achats peut être facilement mise en place. On explique que ce qu’on met dans le caddie du supermarché est nécessaire et indispensable pour la vie quotidienne. Mais il peut y avoir des exceptions : certains articles sont là pour se faire plaisir et l’enfant peut avoir le droit d’en choisir un.